Florent Fourcart, un des intervenants du dernier festival et auteur du livre Le péplum italien, 1946-1966 : grandeur et décadence d’une Antiquité populaire (IMHO, 2013) a partagé avec nous quelques réflexions sur les représentations des fins du monde dans les péplums.
Bonjour Florent. Parle-nous un peu du péplum… comment le définirais-tu ?
Classiquement, je dirais que le péplum est un film se déroulant dans l’Antiquité (j’entends par « Antiquité » la période allant de la fin de la préhistoire à la chute de l’Empire romain, en 476). Bien sûr, ce terme va bien au-delà de sa stricte définition. Il a fini par définir un genre à l’esthétique bien précise malgré ses déclinaisons nationales (Hollywood, Cinecittà, etc.).
Pour coller au thème du festival, la catastrophe marquant la fin d’un monde à l’air de faire partie du genre péplum…
Comme tout genre populaire « à grand spectacle », le péplum a ses climax, ses fins attendues où le suspens, l’action et les effets spéciaux forment une apothéose digne de procurer au spectateur sa dose d’adrénaline. Plusieurs types de ces fins coexistent : le combat de gladiateurs qui se termine en révolution populaire, la grande bataille avec beaucoup de morts et le cataclysme (entendez par là, submersion marine, tremblement de terre et/ou éruption volcanique). Cette dernière catégorie de fin spectaculaire est la plus populaire et on la retrouve en conclusion de grands classiques comme la série des Derniers jours de Pompéi (italiens ou américains), Le Colosse de Rhodes de Sergio Leone (1961), Hercule à la conquête de l’Atlantide de Vittorio Cottafavi (1961), Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich (1962) et on peut aussi en trouver des occurrences dans des œuvres comme Les dix commandements (1923 et 1956) avec la traversée de la Mer Rouge.
Quel est le sens de la catastrophe ou de l’Apocalypse dans les péplums ? Alors qu’au XIXe siècle, la catastrophe se déchristianisait suite au tremblement de terre de Lisbonne (1755), on a l’impression qu’avec le péplum, la catastrophe reste liée à une punition divine.
Écho à l’idée biblique de châtiment divin, le cataclysme final des péplums a un double rôle : punir inéluctablement les « méchants » et plus globalement les populations païennes licencieuses et usant de divertissements dégradants et amoraux (et ce, plus radicalement et définitivement que pourrait le faire le héros) mais également punir symboliquement le spectateur qui se délecte devant des scènes de violences et d’érotisme. Puni par procuration, le spectateur voyeuriste peut ressortir absout de son plaisir coupable. La connotation religieuse de ces séquences n’est donc pas un hasard dans des pays pour lesquels le sentiment religieux est très développé (puritanisme américain ou ferveur catholique dans une Italie qui vibre à l’heure du Concile Vatican II).
Peux-tu nous parler des Derniers jours de Pompéi ? La version de 1959 n’est pas la première. En quoi reprend-elle les codes des précédentes versions et en quoi s’en détache-t-elle ?
En fait, le roman d’Edward Bulwer-Lytton a été l’un des plus adaptés, et ce, depuis les débuts du Cinéma. On compte déjà plusieurs versions américaines et italiennes dès les années 1910. Après le créateur de King Kong en 1935 et le français Marcel L’Herbier en 1947, c’est Sergio Leone qui s’attaque au mythe. Mais là où les autres réalisateurs se faisaient un point d’honneur à respecter l’intrigue de Bulwer-Lytter, Leone opte pour un pastiche à l’antique des films d’aventures/espionnages à la James Bond qui fleurissent à l’époque. Au jeune et frêle esthète athénien fait place un solide et musclé officier de l’armée romaine, l’enquête autour des cultes orientaux vire rapidement à la révolution populaire (populiste?). Bref, l’action et un certain second degré priment au détriment d’un réel scénario et de personnages crédibles. Mais cela importe peu à Leone qui ne s’intéresse qu’à aligner des scènes de bravoure qui rivalisent d’efficacité visuelle et de spectaculaire. Cette façon de traiter l’histoire et l’Histoire est tout à fait caractéristique de la production italienne des années 50-60 et débouchera sur une série de films s’inspirant du succès de l’oeuvre de Leone dont un médiocre clone : Les derniers jour d’Herculanum de Gian Franco Parolini (1962).