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Häxan, le devenir historien du cinéaste

Dans le cadre de la première édition du festival du film médiéval qui débutera mercredi 24 octobre, Adrien Genoudet, doctorant en histoire visuelle à l’EHESS et membre de l’équipe du festival, propose un article sur un objet cinématographique non-identifié, Häxan.

Benjamin Christensen dans Häxan, 1922

Le festival du film médiéval, qui s’est terminé dimanche 28 octobre au cinéma Le Desperado à Paris, a permis de créer une rencontre entre un public large et des films ayant pour sujet principal la « période médiévale ». Cinq films étaient projetés lors du festival et quatre ont été suivis par une discussion avec des intervenants en majorité issus du milieu universitaire. Le pari était de taille : faire se déplacer, dans une ambiance bon enfant, un public intéressé par l’histoire et par le cinéma et mettre en perspective des films divers qui évoquent autant la question épineuse de la représentation de l’Histoire qu’un recul contemporain passant par l’utilisation du temps historique. Nous avons eu le plaisir de recevoir un public nombreux, à chaque séance, d’âges et d’horizons divers, partageant tous le souhait de converser et de débattre sur l’utilisation du cinéma comme vecteur d’un discours historique et critique. Chaque débat était différent, chaque intervenant et participant a pu creuser une brèche analytique et problématique qui ont permis de tracer des axes divergeant et complémentaires. L’ensemble, bien qu’inégal, a mis en avant des soucis de compréhension révélateurs du problème d’ensemble que pose le positionnement de tout spectateur devant un film utilisant l’histoire comme toile de fond. On le sait, la question est large et elle intéresse depuis une trentaine d’années les chercheurs et les cinéastes. De Marc Ferro à Christian Delage et Vincent Guigueno en passant par Antoine de Baecque, Pierre Sorlin et Jacques Rancière, la représentation de l’histoire, sa figuration et plus spécifiquement ici sa représentation au cinéma reste un sujet foisonnant, interrogateur et innovant.

Photographie de Frédéric Ambroisine. Séance du dimanche 28 octobre

Les débats ont souvent commencé par la question du « réalisme ». Suite à la projection des films, les prises de paroles – qu’elles soient du côté des intervenants (en majorité des historiens) ou du public – s’orientaient vers la représentation « réelle » ou « véridique » de telle période médiévale dans tel film. La plupart des commentaires qui suivaient les projections venaient reprendre – en fonction de chaque culture individuelle forgée par telle pratique ou par telle connaissance glanée au fil du temps – le film sur sa véracité. Ici une arme non conforme pour l’époque, ici une tonalité peu vraisemblable etc. Bien que conscients des anachronismes évidents ou cryptés de certains films, l’axe majeur d’analyse qui suivait chaque film était celui de la « représentation » ; en ce sens que beaucoup de personnes cherchaient à trouver – si ce n’est à voir – l’époque médiévale au cinéma. Entendons-nous bien, il ne s’agit évidemment pas de dire que les spectateurs, dont je faisais tout autant partie, souhaitaient voir en Prince Vaillant une vision « réaliste » du Moyen Age. Le recul critique et temporel (le film date de 1954) permet à toute personne se retrouvant face au film de comprendre et d’assimiler que le film n’est pas, et ne sera jamais, une représentation réaliste du Moyen Age. Je pointe ici la démarche – le positionnement – que chaque spectateur, quel que soit son degré de connaissance historique, revêt : l’œil scrute avant tout les détails figuratifs. Des détails qui vont – à chaque échelle individuelle – ravir le besoin d’une représentation d’une époque donnée. Qu’importe que le film utilise une musique extra diégétique improbable, tel spectateur retiendra que dans cette scène de chirurgie « on ne se lavait pas les mains » ou que « la fourchette n’existait pas » à telle époque (ces remarques sont issues respectivement des débats qui ont suivis le Métier des armes d’Ermanno Olmi et La Chair et le sang de Paul Verhoeven). Le film d’ « histoire », en ce sens que ce sont des films utilisant le temps historique comme « hôtes » pour un scénario cinématographique, ne semblent parfois que nourrir l’appétit insatiable de représentation du temps que chacun se construit. Le film d’histoire, comme une sorte de réservoir visuel, où chacun vient puiser les détails qui lui manquent pour parfaire la représentation que l’on se fait d’une époque.

Cette quête de la « véracité » et du « réalisme » sélectifs a souvent amené à omettre ce qui est la plus souvent omis par les historiens qui se penchent sur les relations entre histoire et cinéma : à savoir la dimension auctoriale d’un film. Le cinéaste apparaît trop souvent comme le peintre d’une époque ou comme le metteur en scène du temps ; mais un temps déjà pensé et construit par les historiens qui ont précédé sa démarche d’écriture filmique. En somme, on voit parfois le cinéaste comme le garant – parce qu’il met en images – d’un discours historique déjà existant. C’est bien pour cette raison principale qu’on a tous tendance à scruter ces menus « détails » historiques dans les films dits d’ « histoire » ; parce que le cinéaste, quel que soit son degré d’anachronisme ou de dérision sur ce qu’il représente, connait la période qu’il figure. Qu’il y ait des éléments faux, discutables ou fantastiques, tout film d’ « histoire » semble porter en lui un fond de « véracité » historique.

Pour illustrer cette question, je propose ici de revenir sur un film de 1922, réalisé par Benjamin Christensen, Häxan.

Häxan, premier carton. Tous les photogrammes qui suivent sont extraits de l’édition française Potemkine/Agnès b. 2011

Le film existe en entier sur Youtube (sous-titres anglais) et est téléchargeable gratuitement sur le site archive.org (merci à Patrick Peccatte).

Dans son rapport au temps, le film est un objet incertain, il peut tout à la fois traverser les différentes couches des époques, s’émanciper du temps et de la critique, virevolter le long des années et se retrouver perché au sommet de l’échelle imaginaire de l’ « Histoire du Cinéma ». Un film se retrouve, au-delà de sa performance artistique, bercé au fil des années, caressé par les divers écrits et émotions et s’aperçoit, fier sans l’être, qu’il trône parmi les films « à avoir vu avant de mourir » ; ou mieux encore, se retrouve couronné par des appellations qui ne surprennent que les cinéphiles chevronnés : « meilleur film de tous les temps ». Ainsi, nombre de films traversent le temps, traversent les générations, ceints d’une même aura, d’une même puissance et ne se surprennent même plus eux-mêmes d’être constamment loués par le regard. Ils s’avèrent être des objets de vénérations transhistoriques, des gouffres de sens où chacun vient puiser une référence, une note de bas de page, une ligne dorée dans un roman ou dans un récit. Ils sont à la fois patrimoine et élévation culturelle, ils sont tout simplement des reliques intellectuelles offertes à chacun, cloisonnant en un sens beaucoup de nos modèles de représentation. Ces runes culturelles, forgées par des années de critiques et d’écritures, des centaines de projections et de débats raisonnent en chacun de nous comme l’écho enraillé d’un « rosebud » prononcé par un moribond.

Autour de ce colosse culturel, forgé et sculpté par la terre intellectuelle et pensante s’éparsent de multiples « chutes » du temps – ces chutes de glaise et de papier qu’on balaye et qu’on entasse, dans un coin, pour mieux contempler l’ensemble œuvré. De ces « chutes », qui parcourent l’interminable écriture des arts, nombreux sont ceux qui depuis plusieurs années viennent détourner le cône lumineux de la « pensée commune » pour éclairer des œuvres perdues, oubliées par le temps qui passe et par l’histoire qui s’écrit sans elles. Des « chutes » de temps mais aussi des pertes de sens et d’histoire que l’on laisse sur les bas-côtés de l’écrit scientifique ; et qui pourtant attendent, au sol, qu’on les élève et qu’on les regarde avec un œil neuf de contemporain.

La maison d’édition Potemkine/Agnès b semble jouer ce jeu du chapeau de magicien, plongeant leurs mains dans un fatras de pellicules oubliées et jaunies pour en extraire une perle oubliée, dormant dans un écrin de silence du « muet ». Häxan a connu une édition DVD en France au printemps 2011 et reste peu connu du grand public[1]. Or, depuis qu’on découvre ou qu’on redécouvre ce film en France grâce à cette édition, on range de plus en plus Christensen aux côtés de Murnau et de Dreyer. Pourtant, pour de nombreuses raisons qui se mêlent aux hasards du temps, Häxan reste un film peu commenté, peu ou pas projeté dans les salles, injustement oublié et relégué au rang de « premier film d’horreur ».

Si je souhaite me pencher en quelques mots sur ce film – et plus particulièrement sur son premier chapitre – c’est bien parce qu’il permet, à mon sens, de poser différemment les questions et les rapports entre Histoire et cinéma. Dans les multiples questionnements qui essaiment depuis trois décennies[2], là où le bât blesse à mon avis, c’est lorsque l’on tente de relier la représentation de l’histoire faîte par un cinéaste et sa démarche d’écriture de l’histoire proprement dite. Françoise Zamour a très bien montré, dans un article publié dans un ouvrage qui est passé presque inaperçu, Passé, Présent. Le Moyen Age dans les fictions contemporaines[3], « Lancelot et Perceval. Filmer le corps interdit » (il s’agit d’une analyse des films de Robert Bresson et de Eric Rohmer), qu’un cinéaste n’est pas que le garant d’une représentation de l’histoire écrite et digérée par des historiens mais bien aussi – si ce n’est l’essentiel – un acteur à part entière de l’écriture de l’Histoire. On ne se penche pas assez, à mon sens, sur ce devenir historien du cinéaste, sur la démarche d’écriture, revendiquée ou non, d’un cinéaste à écrire de l’histoire ; non pas à écrire sa version de l’histoire ou à représenter sa perception d’une époque, mais bien à créer, par sa caméra, par son montage, par son scénario, un discours purement historique. L’exemple le plus probant – et qui prouve que les historiens et les analystes prennent évidemment en compte cet aspect – sont les Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard (Antoine de Baecque en parle très bien et évoque largement cette question de la création du discours historique par un cinéaste[4]).

Mais à quel moment, à quel degré, un cinéaste « fait œuvre d’historien » ? Qu’est-ce qu’être « historien » lorsqu’on est cinéaste ? On serait ici à l’opposé de la démarche d’égo-histoire qui parcourt maintenant nombre d’ouvrages d’ « historiens » reconnus et adoubés par les palmes académiques ; à l’opposé d’un ouvrage comme celui de Patrick Boucheron qui parle de « faire profession d’historien [5]». Être historien par l’écriture, quel que soit le support, voilà un axe, certes pas neuf, qui permettrait d’agglomérer nombre de démarches artistiques et notamment cinématographiques et qui permettrait de voir qu’écrire le temps et le penser nécessitent simplement la mise en visibilité d’un discours : quel qu’il soit.

Voilà pourquoi Häxan, extrait de son mutisme, peut venir illustrer ce questionnement passionnant : parce qu’il est d’une transparence et d’une évidence visuelle qui en deviennent confondantes, troublantes.

Quel genre pour Häxan ?

Trier pour mieux penser, ranger dans des cases pour mieux comprendre. Il n’y a parfois rien de plus agaçant que la volonté de ranger une œuvre dans un genre précis. Je voyais encore dernièrement que le film Gebo et l’ombre de Manuel de Olveira était « rangé », sur Allociné dans le genre « Comédie dramatique ». Cette ligne, impérieuse, qui ne sert qu’à accumuler et surcharger les « bases de données », cette ligne du « genre » est un indice de premier choix pour aborder et analyser un film. Le « genre » qu’on accole apporte beaucoup sur la réception mais aussi – et surtout – sur la manière dont le film est compris. Häxan, disons-le immédiatement, est une œuvre hybride, surprenante, passionnante et pour cela fabuleuse. C’est un film qui surprendra n’importe quel cinéphile dès les premières minutes, c’est un film ambitieux et tentaculaire, qui se répand et s’étale sur sept chapitres pour nous parler (je souligne à dessein) de la sorcellerie au Moyen Age. Häxan, qui a pour sous-titre, la « sorcellerie à travers les âges », est un mélange de fiction, de documentaire, de savoir communiqué et d’animation. Lorsqu’on tente de glaner au fil des sites qui le référencent, un certain « genre », on comprend l’indétermination et le débattement des différents auteurs. On peut lire sur l’Internet Movie database (IMDb) que le film est un « documentaire-horreur ». On le définit comme « épouvante-horreur-documentaire » sur Allociné. Il est aussi vu et défini comme étant un des films pionniers du « docu-fiction ». Enfin, on peut lire sur allmovie qu’Häxan « is a fictional horror film in the form of a documentary ». Autant dire qu’on peine à s’approprier le film, que toute tentative d’enfermement du film de Benjamin Christensen dans un genre est voué à l’échec, et c’est en cela qu’il s’avère être un objet culturel unique pour l’historien.

Christensen, « être » historien.

Benjamin Christensen, danois, (1879-1959) reste peu connu ainsi que sa filmographie. Il fait partie, injustement, de ces réalisateurs ou écrivains connus pour une œuvre et qui dorment longtemps, trop longtemps, dans l’obscurité. Häxan est son film sans doute le plus ambitieux et le film muet le plus cher de la première moitié du XXe siècle en Europe. Pour bien comprendre la singularité du personnage « Christensen », et pour bien saisir l’unicité de sa démarche en ce début des années 1920, je me pencherai sur le premier chapitre (environ 13 minutes) des sept qui composent le film. Le film commence par un long exposé des croyances ancestrales et d’un exposé lapidaire sur la place des sorcières dans l’imaginaire médiéval. Suivent plusieurs scènes jouées et costumées (d’une puissance visuelle remarquable) mettant en scènes des anecdotes ou des histoires populaires médiévales. Enfin, le film tisse un lien direct avec le présent en proposant une analyse et une analogie entre la sorcellerie et les avancées psychanalytiques qui marquent ce début du XXe siècle.

Ainsi, Christensen offre un film mêlant des images médiévales (extraites d’ouvrages divers), des cartons explicatifs et de récit, des scènes jouées (Christensen joue successivement Satan et Jésus !), des scènes explicatives (notamment des tortures) etc. L’ensemble trouve sa cohérence dans la volonté de créer un discours historique illustré du phénomène de la sorcellerie « à travers les âges ». C’est l’annonce programmatique du film, qu’on peut lire sur le premier carton : « La sorcellerie à travers les âges. Un exposé historique et culturel : des images vivantes en sept chapitres ».

Pour mieux comprendre cette annonce programmatique, il convient de revenir quelques instants sur la genèse du film. Christensen a souhaité réaliser ce film, dès les années 1910, lorsqu’il a découvert le Malleus Maleficarum. Ce livre, de 1487[6], qui marque un tournant dans la manière dont on perçoit les femmes et plus précisément les sorcières est une somme de textes pseudo-religieux, d’anecdotes et d’historiettes traitant de l’ensorcellement, des sorcières, de leurs pratiques supposées et fantasmées. Christensen eut la volonté d’utiliser ces histoires – auxquelles il ne confrontera aucun discours critique – pour en écrire un film, pour les mettre en scène. Or, en ces années 1910, sollicitant l’aide d’historiens, Christensen se voit refusé de toutes parts, le cinéma étant encore largement marqué par le discrédit forain.

Benjamin Christensen décide d’écrire seul son film, de faire ses propres recherches et de réaliser, par le medium cinématographique – dont il perçoit toutes les potentialités didactiques – son « ouvrage » d’histoire en sept chapitres. Christensen est sans aucun doute le premier réalisateur à utiliser le cinéma pour écrire de l’histoire. Il impose à son spectateur son point de vue de cinéaste-historien et est bien déterminé à prouver sa posture auctoriale : le premier plan du film est un gros plan de Christensen lui-même, le regard inquisiteur (plan reproduit ci-dessus), fixant fermement et intensivement le spectateur. Un plan qui est surprenant, audacieux dans les années 20 (il s’agit d’un regard-caméra avoué et revendiqué) et extrêmement difficile à interpréter. Ce portrait, apparaissant en iris se donne à voir comme une sorte de signature visuelle où le cinéaste se montre au spectateur et où, par cette intensité du regard, il vient peut-être assumer, justement, un regard sur l’histoire, un « point de vue » subjectif et individuel. Christensen, dans cet unique plan, s’érige en tant qu’auteur dans tous les sens du terme. Il brandit une subjectivité, un « je » dans l’écriture de l’histoire quand les historiens « classiques » attendront les premiers textes d’égo-histoire[7] pour oser assumer leur « perception » d’individu contemporain. Car, en négatif, ce plan est également la revendication d’une contemporanéité certaine et assumée : Christensen, par cette visibilité frontale, assume l’époque dans laquelle il se positionne. Ce plan agit ici comme la matérialisation du présent – par l’enregistrement sur la pellicule – et donc du contemporain. On tient ici, en un plan, un homme cinéaste-historien qui avait tout compris aux problématiques du positionnement de l’ « être historien », positionnement complexe qui ne peut que se confondre avec la compréhension de son « être au temps ».

Par ailleurs, cet « être historien » de Christensen se manifeste également dans la mise en scène qu’il fera de lui vingt ans après la réalisation d’Häxan. Lors de la réédition du film en 1941, Benjamin Christensen décide de présenter son film lui-même, dans une scène qu’il tourne en parlant. Une fois encore, le cinéaste-historien nous surprend par son inventivité et par la posture qu’il décide d’avoir. Le premier carton vient à nouveau rappeler cette prégnance auctoriale manifeste : « Réalisateur : Benjamin Christensen » (rappelons ici qu’il s’agit d’une simple présentation de 8 min destinée à introduire son film qui est à nouveau projeté dans quelques salles européennes).

Présentation de Benjamin Christensen lors de la réédition du film en 1941

Le mélange visuel, ainsi que la tonalité de ces 8 minutes de présentation, sont troublants et en même temps fascinants. On y voit Christensen, grisonnant, avancer face à la caméra, parlant directement au spectateur. Dans le plan, on aperçoit une mixité, deux mondes sont confondus. Caméra, lumière de plateau (on notera la monstration du dispositif cinématographique. Une démarche, une nouvelle fois, audacieuse pour ce début des années 40) costume, bureau de travail, livres. Deux mondes se télescopent dans un même plan : celui du cinéma et celui de l’écriture scientifique de l’histoire. Au cœur de cette mise en scène parfaitement orchestrée, magistrale par son audace et par son intelligence, Christensen apparaît comme celui qui catalyse ces deux mondes. Sa démarche, professorale (une main dans une poche, l’autre qui semble tenir une craie), la blancheur de sa blouse (qui vient ici incarner à elle seule le monde scientifique), sa tonalité, son mouvement de tête oscillant entre la droite et la gauche du cadre comme s’il parlait à un amphithéâtre et cet encadrement visuel entre les deux éléments principaux du dispositif cinématographique (la lumière et la caméra : mettre en lumière le regard d’un homme) viennent résumer cette posture joyeusement hybride et délicieusement novatrice de l’historien-cinéaste qu’est Benjamin Christensen.

Benjamin Christensen, 1941

Benjamin Christensen, 1941

Dans le discours qu’il étale dans cette présentation, il met en place un mouvement de va-et-vient entre ce qu’il appelle déjà l’ « art cinématographique » et le récit historique. Dans le deuxième et le troisième plan, il apparaît assis à son bureau, les mains jointes, et débutent six minutes de présentation mêlant histoire des mentalités, représentation de l’histoire, histoire indifférenciée entre contes et légendes du Moyen Age. Il commence par introduire son discours en disant, tel un conférencier : « L’histoire de la chasse au sorcière dont nous allons parler est l’une des catastrophes majeures de l’histoire de l’humanité ». Il poursuit : « Il ne faut pas oublier qu’elle s’est déroulée dans une période sombre de l’histoire, aussi bien spirituellement que matériellement ». Ainsi, dans cette présentation, Christensen se positionne comme commentateur et donc comme auteur d’une certaine perception de l’histoire, de son appropriation critique et de sa compréhension. Mais il est plus intéressant encore de voir que Christensen, en réalisant cette présentation qui apparaît comme un prologue à Häxan, conçoit la production cinématographique comme part inhérente à la création du discours historique. En disant, « l’histoire […] dont nous allons parler » – autrement dit : à la vision du film – il intègre entièrement son film dans une démarche d’écriture de l’histoire et présente son film comme un moyen – tout autant légitime – pour comprendre et percevoir le temps de l’histoire. De la même manière qu’il sous-titre son film en annonçant le nombre de chapitre (comme dans un ouvrage d’histoire), Christensen y ajoute un prologue, un « avant-propos », à l’instar d’un historien réécrivant une introduction renouvelée de son ouvrage.

Benjamin Christensen, 1941

Mis en lien (cette présentation et le film proprement dit), on comprend mieux la démarche réelle et sincère – et par là même fondamentalement innovante – de Christensen, qui voit dans l’écriture cinématographique un complément, si ce n’est un successeur, de l’écriture de l’histoire.

Revendiquer son écriture et sa source.

Être auteur. Etre historien. Etre cinéaste. Voilà la trilogie qui compose le souci premier de Christensen et qu’il exprime dès les premières minutes d’Häxan. Christensen montre visuellement, notamment par les cartons, son souci d’intégrer sa démarche de réalisation dans celle de la création d’un discours historique. Pour cela, de la même manière qu’un historien ou qu’un auteur scientifique, Christensen utilise des « marques de scientificité ».

Le carton qui suit le gros plan représentant Christensen (et qui le complète directement) nous dit ceci : « Benjamin Christensen a réalisé et produit ce film entre 1919 et 1921 ». Autrement dit, dans cette annonce, le réalisateur défend à la fois une période de réalisation et d’écriture mais aussi une période de recherche. Nous serions surpris de voir aujourd’hui, en amorce d’un film, ce type d’aveu ou de commentaire personnel recontextualisant un film dans une période de recherche et d’élaboration d’un projet. C’est pourquoi ce carton est bien la manifestation, par Christensen, d’une volonté de s’assumer et de s’ériger comme auteur, comme réalisateur mais aussi comme scientifique-historien.

Plus surprenant encore est le carton qui suit les remerciements faits par Christensen. On peut y lire : « Mes sources principales sont indiquées dans le programme ». Cette simple phrase résume à elle-seule le parangon qu’est Häxan dans l’élaboration d’une écriture de l’Histoire par les cinéastes. L’édition américaine du DVD d’Häxan (Criterion collection) a permis de redécouvrir ce programme qui fut distribué aux premières projections du film en 1922. Ce programme est composé d’une liste d’ouvrages (plus de soixante-dix au total) mêlant des écrits théoriques, des écrits d’historiens du XIXe siècle, des textes archéologiques et des ouvrages du Moyen Age (notamment le Malleus Maleficarum). Ainsi, ce carton vient nous rappeler, par sa matérialité et par son placement dans l’œuvre (en exergue) que Christensen a fait distribuer (il faut bien comprendre la singularité de cette démarche) une bibliographie imposante à son public. Dès lors, le réalisateur place sa démarche d’auteur et place par là même son œuvre dans le champ scientifique, en ce sens qu’il annonce que son film – bien que fictionnel en grande partie – est vérifié et vérifiable.

Cette bibliographie d’ensemble, qui frappe du sceau de la véracité et de la rigueur scientifique son œuvre, apparaît clairement dans quelques cartons. Christensen cite directement ses sources, ou s’appuie sur les travaux des historiens de l’époque. On peut voir apparaître, dans le premier chapitre, les citations de Gaston Maspero, égyptologue de la deuxième moitié du XIXe siècle, Henry Rawlinson, spécialiste de la Mésopotamie de la même période ou encore un certain Lacroix, « historien français » (« En haut, sur l’image suivante (selon l’historien français Lacroix) »). On peut lire également, sur un autre carton : « Voici la conception des anciens Egyptiens (selon Maspero) ». Christensen cite de la même manière un ouvrage qu’il a utilisé pour y extraire certaines images. Ainsi, il écrit dans un carton : « Dans l’œuvre Deutsches Leben der Vergangenheit in Bildern, j’ai trouvé cette image d’un bûcher ». Par une alternance savante entre un discours historique construit et appuyé par des « marques de scientificité » et des images venant illustrer son propos, Christensen revendique pleinement une démarche d’historien construisant et élaborant (par le montage et par la successivité narrative) un discours historique personnalisé. Christensen invente ici la prédominance de l’être-historien du cinéaste au cinéma.

Entre parenthèse, dans ce carton: « Selon Maspero »

Images qui suivent ces cartons dans le film. Christensen a directement filmé les ouvrages de Maspero et Rawlinson

Image extraite d’un ouvrage de Gaston Maspero. Filmée par Christensen

Didactisme savant.

L’apparition du stylet dans un plan représentant les Enfers

Christensen inventeur ; mais Christensen est aussi un précurseur inventif, un cinéaste-historien découvrant et manipulant toutes les potentialités didactiques, ludiques et pédagogiques du cinéma des années du muet. Deux éléments retiendront notre attention dans ce premier chapitre. Tout d’abord, Christensen décide de manifester son savoir – et par là même de le communiquer – par le biais d’un élément figuratif pour le moins surprenant, issu directement du milieu scientifique-professoral : la réglette. Par le biais de cet insert dans les plans, Christensen vient communiquer directement avec son spectateur. Ainsi, il fait pénétrer plusieurs fois dans le champ de la caméra une réglette ou un stylet pour appuyer son discours et pour concentrer l’attention sur des détails précis. Les deux séquences les plus significatives sont celles de la « représentation » de l’Enfer (qui s’apparente davantage au Purgatoire) et celle de la représentation du monde au Moyen Age. Dans ces deux séquences, Christensen fait alterner des images (ou reconstitution animée) et des cartons descriptifs. Par le biais de la réglette il tisse un lien direct entre son discours écrit (cartons) et la monstration des images. La réglette apparaît comme un moyen didactique certain mais elle est aussi – et avant tout – la manifestation figurale de l’être-historien du cinéaste, de sa volonté de manifester visuellement la prégnance de son discours savant. Par ailleurs, certains cartons imposent un axe d’appropriation du visuel : Christensen écrit de véritables injonctions professorales à l’égard de son spectateur : « Observez le zèle des diablotins qui s’occupent du feu ! » ou encore, dans une autres séquence : « Regardez, la malade est nue dans son lit » ; et Christensen d’ajouter un commentaire historique amusant : « c’est la coutume de l’époque ».

Le deuxième élément concerne l’entrelacement entre les cartons écrits et l’apparition des images. En effet, si on pondère l’alternance entre les cartons et les images, il apparaît un équilibre intéressant qui nous informe beaucoup sur la manière dont Christensen a construit la première partie de son film. Cependant, si on compare avec les treize premières minutes de Nosferatu de Murnau (film sorti en salle la même année, en 1922) on constate le poids immense de l’écrit dans le premier chapitre d’Häxan. Pour la même durée de film, on compte 15 cartons (en retirant le générique). Les 15 cartons sont dans l’ensemble classiques : indications relatives au récit et dialogues. A l’opposé, le premier chapitre d’Häxan présente 60 cartons et 63 plans ! Soixante cartons d’explications historiques, de commentaires anthropologiques, de descriptions des images, de citations etc.

Alternance entre images et commentaires. Forme du discours historique

Autrement dit, Christensen élabore, par un jeu d’alternance entre texte « scientifique » et images, un véritable discours historique et cinématographique. Par le montage, par l’écrit et par la mise en visibilité d’images issues d’ouvrages de l’époque médiévales (majoritairement des XVe et XVIe siècles), Christensen produit un discours historique insolite, singulier et en ce sens parfaitement novateur. Si on voulait nimber davantage Christensen d’une aura novatrice et révolutionnaire, je dirais même – avec une touche amusée – que Christensen invente la pratique didactique de la conférence imagée ; on est en face, en 1922, d’un Powerpoint avant la lettre !

De plus, au-delà de cette considération, on découvre également la mise en disponibilité d’un discours historique – si ce n’est l’apparition de la démocratisation du discours scientifique. Si Christensen distribue une bibliographie aux spectateurs, s’il donne à voir par l’image des connaissances et un savoir scientifique, s’il utilise des accessoires figuraux pour appuyer et pour éclaircir son discours ; c’est bien parce qu’il croit et parce qu’il perçoit le jeune cinéma comme le meilleur medium pour communiquer du savoir au plus grand nombre. C’est également pour cela qu’il passe par des scènes de fictions, par des reconstitutions, par l’utilisation d’un automate etc. Christensen a compris, en 1922, toutes les potentialités de l’image animée comme biais pour créer, élaborer et communiquer un discours scientifique et notamment historique. En 1922, Christensen s’affirme comme historien-cinéaste, et par là même affirme le cinéma comme étant un vecteur du savoir et un créateur de sens.

L’écriture de l’histoire, la conscience des temps.

Le dernier chapitre du film vient confirmer la démarche singulière, et nettement historienne, de Benjamin Christensen. Si l’écriture d’un discours historique s’élabore à partir des traces du passé qu’on tente d’éclairer, il reste toujours dépendant de l’assise contemporaine de son auteur. Cette remarque, aujourd’hui largement répandue et comprise par les historiens, n’est en aucun cas une évidence dans les années 20 en Europe ; ce n’était pas non plus une évidence de tisser des liens temporels et analytiques entre les époques, d’élaborer un discours scientifique sur la base de l’analogie entre les temps.

Une fois encore, Christensen surprend par sa modernité et son audace. Le carton qui introduit le septième chapitre dit ceci : « Laissons les récits diaboliques, leurs discours possédés et leurs convulsions, pour parler de notre époque ». Commence dès lors un intéressant va-et-vient rhétorique entre le « maintenant » et l’ « autrefois », rhétorique tout à la fois écrite que visuelle. Ainsi, Christensen nous propose un discours historique basé sur une « mise en concordance des temps », discours avant-gardiste, où tout discours historique se doit d’être tentaculaire et sur la longue durée. Christensen s’inspire directement des thèses de Charcot et de ses analyses sur l’hystérie pour établir un lien entre les croyances en la sorcellerie au Moyen Age et les troubles nerveux et psychotiques de certaines femmes au début du XXe siècle. Même si le parallèle est hasardeux et critiquable – mais quel ouvrage scientifique d’une époque donnée n’est-il pas critiquable par le contemporain ? – la tentative heuristique et visuelle demeurent.

Les prouesses narratives et visuelles de la fin du film sont pour le moins étonnantes et merveilleuses. Par des fondus enchaînés parfaitement orchestrés – toujours guidés par les cartons explicatifs – le spectateur se retrouvent à vivre visuellement une mise en concordance des temps historiques. Le fondu enchaîné se donne à voir comme la matérialisation visuelle de la « chaîne » du temps, de la chronologie et de la continuité mais aussi, en somme, de l’enchaînement des causes et des conséquences. On prendra ici les quatre exemples les plus explicites. On peut lire sur un cartons : « Le bourreau trouvait souvent des marques dans le dos de l’accusée » (au Moyen Age). Puis, « de nos jours, cette insensibilité est l’un des symptômes de l’hystérie ».

Mise en concordance des temps par le fondu enchâiné

Christensen commente ces rapports temporels : « Pauvre sorcière hystérique [sic]. Au Moyen Age, elle était persécutée par l’église. De nos jours, c’est l’administration ». Dans le deuxième exemple, Christensen écrit : « Les sorcières ne survolent plus les toits sur leur balai ». Ce carton est directement suivi par l’extrait filmé d’un avion s’élançant dans les airs. Dans le troisième exemple, Christensen tisse un lien direct entre les superstitions d’alors et les superstitions de son époque. Enfin, dans le dernier exemple, qui est la scène finale du film, Christensen établit un lien analytique entre le bûcher au Moyen Age et la douche chaude dans les maisons d’internements (« la douche tiède de la clinique a remplacé les méthodes barbares ») : dans les deux cas, semble nous dire le réalisateur-historien, nous sommes face à un remède soumis à la contemporanéité. On voit bien comment Christensen élabore son discours historique par l’image et par le montage ; qu’il construit, à partir d’interférences temporelles, un discours historique fondé sur l’analogie et l’opposition entre les temps.

Scène finale du film. Mise en concordance des temps

On ressent évidemment, en ce début du XXe siècle, une démarche à la fois positiviste et progressiste dans le discours de Christensen. Il épouse largement, en cela, l’écriture convenue du récit historique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il écrit par exemple, dans un carton : « Ces obsessions, ces cas de somnambulismes [sous-entendu « au Moyen Age »] sont tous liés à des maladies nerveuses que nous regroupons sous le nom d’hystérie » ; et il ajoute, dans le carton suivant : « Il y a des points communs entre la sorcière d’autrefois et l’hystérie moderne ».

Dès lors, Häxan apparaît comme un ouvrage d’histoire mais aussi un film sur le temps de l’histoire. Christensen tisse, en sept chapitres, une continuité temporelle. On remarquera d’ailleurs que le premier chapitre (qui part des « croyances ancestrales ») et le dernier chapitre (qui replace le discours et le spectateur dans le contemporain) ont la même durée (environ 13 minutes). Ces deux chapitres, de même format, apparaissent comme deux parenthèses de temps, comme deux crochets qui renferment le discours historique dans une temporalité élargie : l’avant et le maintenant. En ce sens, par son traitement et par sa conscience du temps, Christensen fait œuvre d’historien.

Christensen : un révolutionnaire.

Pour revenir aux quelques mots introductifs sur le film, il est certain que nombre d’auteurs méritent d’être mis en avant, que nombre d’entre eux ne méritent pas leur place dans le tas de « chutes » qui ceignent la sculpture de l’écriture scientifique conventionnelle. Il y a des œuvres, et Häxan en fait amplement partie, qui, regardées sous un angle neuf, matérialisent et complexifient grandement la façon dont on croit connaître l’appropriation de l’histoire et la manière dont elle s’écrit. Redorer le blason d’Häxan c’est à la fois comprendre la démarche révolutionnaire de Christensen et comprendre la place prépondérante que mérite de prendre ce film dans l’histoire du cinéma et dans l’historiographie. En 1922, Benjamin Christensen propose un réel discours anthropologique et une véritable percée heuristique dans ce qu’on n’appellera que plus tard les « mentalités médiévales». Il propose d’utiliser le cinéma comme moyen de communication, comme moyen d’appropriation de l’histoire et comme medium fondamental pour tenter d’écrire une « histoire neuve ». De plus, Christensen décide et revendique, en 1922, d’utiliser les images médiévales comme sources principales de son discours, comme source de connaissance et comme paradigmes indiciaires pour comprendre ce qu’il appelle, bien avant Pascal Ory, l’« Histoire culturelle ». Enfin, il ne faut pas négliger le placement de ce film dans l’essor historiographique que connaît l’Europe pendant les trois premières décennies du XXe siècle. En 1919 sort aux Pays-Bas le livre qui révolutionnera l’approche des médiévistes sur la société médiévale : L’Automne du Moyen Age, de Johan Huizinga qui est devenu aujourd’hui un classique de l’historiographie médiévale. Cet historien néerlandais révolutionne la relation à la source écrite et décide d’utiliser les sources littéraires comme moyen de réflexion pour comprendre la société du Moyen Age. En 1924, Marc Bloch proposera l’ouvrage qui révolutionnera à son tour l’approche anthropologique de l’époque médiévale avec Les rois thaumaturges. Entre ces deux ouvrages phares, puissants et immuables pour la connaissance et son élaboration, un homme, un réalisateur et historien, a fait le pari d’élucider une partie des mentalités médiévales en utilisant les images et le film. C’était en 1922 et il s’appelait Benjamin Christensen.


[1] Voir une analyse générale du film sur le site DVDclassik (http://www.dvdclassik.com/critique/haxan-la-sorcellerie-a-travers-les-ages-christensen). On trouvera notamment dans cette analyse, en notes de bas de pages de nombreuses références sur la provenance des images médiévales utilisées par B. Christensen dans son film.

[2] On peut se référer ici à la bibliographie générale réalisée par Remy Besson sur son blog, Cinémadoc.

[3] Nathalie Koble et Mireille Séguy, Passé, présent. Le Moyen Age dans les fictions contemporaines, Ed. Rue d’Ulm, Presses de l’Ecole Normale Supérieure, 2009. L’article de Françoise Zamour est aux pages 190-203.

[4] Notamment dans Antoine de Baecque, L’histoire-caméra, Gallimard, 2008. Voir Chapitre V, « La théorie des étincelles. L’Histoire en images selon Jean-Luc Godard ».

[5] Patrick Boucheron, Faire profession d’historien, Publications de la Sorbonne, 2008.

[6] Pour aller plus loin pour comprendre l’impact de ce livre dans les mentalités médiévales, on peut se référer à l’ouvrage de Carlo Ginzburg, Le sabbat des sorcières (on peut trouver un compte rendu de cet ouvrage ici) ou encore aux chapitre XI et XII du livre de Jean Delumeau, La peur en occident.

[7] Il faut noter ici l’importance de l’ouvrage paru en 1987, Essais d’ego-histoire dans la collection « Bibliothèque des histoires (avec les participations entre autres de Georges Duby, Maurice Agulhon, Pierre Chaunu, Jacques le Goff).

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